Infolettre 17 – 25 novembre: Ginseng et infections hivernales – Iode, des apports trop souvent insuffisants – Sulforaphane et croissance des cellules cancéreuses GinsengLe ginseng ou Panax ginseng C.A. Meyer est traditionnellement utilisé en Orient comme plante médicinale depuis plus de 4 000 ans. Le mot ginseng provient de Jin (gin) qui signifie homme et de Chen (seng) qui veut dire créature. C’est une plante herbacée que l’on trouve notamment au Canada, aux Etats-Unis, au Japon et en Chine. Mais c’est seulement dans certaines régions de Corée et de Mandchourie qu’elle se développe vraiment de façon optimale. Le ginseng est cultivé en Corée depuis plus d’un demi-siècle alors qu’il n’est apparu aux Etats-Unis qu’à la fin du 19ème siècle. Il ne parvient en Europe que vers le Moyen-Age et n’attire pas l’attention des Français avant le 17ème siècle. A cette époque, il est utilisé par de nombreux médecins comme remède pour soigner les maux les plus divers. Au 19ème siècle, le ginseng fait son entrée dans la pharmacopée française sous le nom de Panax ginseng C.A. Meyer (Meyer étant le nom du premier botaniste à l’avoir décrit). Vers 1920, en Russie, au Japon et en Corée, des scientifiques commencent à s’intéresser au ginseng et à l’étudier scientifiquement. Mais c’est seulement depuis ces 35 dernières années que le ginseng a vraiment retenu l’attention des chercheurs occidentaux et plus de 70 études scientifiques portant sur plus de 3 000 sujets ont déjà été publiées. Une étude[1] a examiné l’effet d’un extrait de ginseng coréen sur la survie cellulaire, sur l’expression des cytokines, des cellules inflammatoires, et sur le stress oxydantLe stress oxydant apparait lorsque l’organisme est soumis à tellement d’attaques par des radica... cellulaire sur des cellules épithéliales humaines infectées par un virus de la grippe. Les chercheurs ont également évalué le potentiel immunomodulateur de la prise par voie orale d’un extrait de ginseng chez des souris infectées par un virus de la grippe. Dans l’étude cellulaire, l’extrait de ginseng a amélioré la survie des cellules épithéliales pulmonaires humaines infectées par le virus, il a réduit l’expression des cytokines responsables de l’inflammation. La prise de l’extrait de ginseng par voie orale sur une longue période avant l’infection a renforcé le système immunitaireSon rôle est de protéger l’organisme des agresseurs extérieurs et internes : virus, bactéries... des souris. Elle a également réduit le nombre des cellules inflammatoires qui se sont développées dans leurs voies bronchiques avec l’infection. Ce dernier point est particulièrement important parce chez l’homme la sévérité des maladies respiratoires provoquées par des infections virales est associée à une production importante de cytokines pro-inflammatoires. Une autre étude[2] a regardé si la prise de ginseng coréen pouvait aider à prévenir les infections respiratoires. Cent personnes en bonne santé n’ayant pas reçu de vaccin contre la grippe ont été enrôlées dans cet essai clinique randomisé et en double aveugle. Elles ont reçu pendant trois semaines un gramme d’extrait de ginseng trois fois par jour ou un placebo. Les résultats ont montré une fréquence significativement plus faible des infections respiratoires dans le groupe ayant reçu l’extrait de ginseng par rapport à celui ayant pris un placebo. Lorsque des sujets ayant pris l’extrait de ginseng ont eu une infection respiratoires, la durée et l’intensité des symptômes ont été plus faibles. Les chercheurs concluent de ces résultats que l’extrait de ginseng coréen a un effet protecteur contre les infections respiratoires et pourrait diminuer la durée et l’importance des symptômes. Ils pensent cependant que d’autres études doivent être réalisées pour confirmer ces résultats. [1] Jong Seop Lee et al., Immunomodulatory activity of red ginseng against influenza virus infection. Nutrients 2014, 6 ;517-529 [2] Jong Seop Lee et al., Preventive effect of Korean Red Ginseng for acute respiratory illness : a randomized and double-blind trial. J Korean Med Sci 2012 Dec ; 27(12) : 1472-1478. 0 PartagesPartagezTweetezPartagez Iode,Une étude[1] publiée par des chercheurs irlandais attire l’attention sur un problème que l’OMS, l’Organisation Mondiale de la Santé, considère comme la cause la plus importante de dommages cérébraux qu’il est possible de prévenir : la déficience en iode. Ce problème d’apports insuffisants en iode est loin d’être l’apanage des pays en voie de développement. Lors des journées internationales H.P. KLotz de mai 2011 à Paris, consacrées à la thyroïde, le Pr Michaël Zimmermann, président de l’International Council of Iodine Deficiency Disorders (ICCIDD) a placé la France parmi les 14 pays européens encore en état de déficience iodée (iodurie moyenne < 100 µg/L). En France, les apports en iode se situent en dessous des apports recommandés pour les populations adultes et les femmes de tous âges sont plus exposées que les hommes. Les apports en iode sont faibles chez les personnes de plus de 70 ans et diminuent parallèlement à la baisse des apports énergétiques, augmentant le risque de maladies de la thyroïde. L’iode est, en effet, indispensable au bon fonctionnement de la glande thyroïde. L’iode est partie intégrante des hormones thyroïdiennes et est donc indispensable à leur production. Les femmes, un groupe à risque prioritaire Les jeunes adolescentes et les femmes en âge de procréer apparaissent comme des groupes à risque prioritaires. Trois études réalisées dans les années 1990, en France, chez des femmes enceintes indiquent qu’en fin de grossesse, les apports en iode correspondent à moins de 50 % des apports nutritionnels conseillés. Les besoins en iode sont augmentés au cours de la grossesse (200 µg par 24 heures) en raison d’une augmentation de son élimination par les reins en même temps que se constitue, au-delà de 18-20 semaines de grossesse, chez le fœtus un pool iodé intra-thyroïdien indispensable pour que sa thyroïde puisse synthétiser des hormones thyroïdiennes. Jusqu’à la 14-18e semaine, le développement et la maturation du cerveau du fœtus dépendent totalement du bon transfert des hormones thyroïdiennes de la mère, en attendant que la thyroïde fœtale soit fonctionnelle. Les déficiences observées chez les femmes enceintes peuvent compromettre le bon fonctionnement de la thyroïde avec pour conséquences possibles, un transfert insuffisant d’hormones thyroïdiennes vers le fœtus et des anomalies dans le développement neurologique et psychomoteur du nouveau-né. L’étude réalisée par les chercheurs irlandais montre qu’en Irlande, seulement un tiers des femmes sont conscientes de l’importance de l’iode au cours de la grossesse. Pratiquement 46 % des Irlandaises n’ont pas les apports recommandés au Royaume Uni et en Irlande du Nord de 140 µg par jour qui sont déjà en-dessous des recommandations de l’OMS et de l’EFSA qui sont pour les femmes enceintes de 200 à 250 µg par jour. Les principales sources alimentaires d’iode. La majeure partie des aliments, en dehors de ceux issus de la mer, ne contiennent que très peu d’iode. On retrouve les concentrations en iode les plus élevées dans les huîtres, les moules, les crevettes, les homards, les langoustes et les poissons d’eau de mer. Le lait et les produits laitiers ainsi que les œufs sont devenus, dans les pays industrialisés, des sources d’iode en raison de l’utilisation de compléments alimentairesLa directive européenne 2002/46/CE définit les compléments alimentaires comme des denrées alimen... riches en iode et/ou de la contamination de la chaine alimentaire par des substances iodées. [1] .O’Kane M. et al., Iodine knowledge is positively associated with dietary iodine intake among women of childbearing age in the UK and Ireland. https://doi.org/10.1017/S0007114516003925. Published online : 18 November 20160 PartagesPartagezTweetezPartagez SulforaphaneLe sulforaphane est un isothiocyanate issu de la transformation d’un glucosinolate que l’on trouve dans les pousses de brocolis et dans d’autres légumes crucifères comme les choux ou les choux de Bruxelles. Cette transformation s’effectue lorsque l’aliment est haché, mastiqué ou au contact de la flore bactérienne. Un certain nombre d’études ont montré que les femmes qui consomment des quantités importantes de légumes crucifères ont un risque plus faible d’avoir un cancer du sein. Des recherches ont également permis d’observer que le sulforaphane que l’on trouve en concentration importante dans ces aliments peut moduler le risque de cancer du sein à différents stades de la cancérogenèse et par différents mécanismes. En particulier, le sulforaphane semble inhiber des histones déacétylases ou HDAOs qui, à leur tour renforcent l’expression de gènes suppresseurs de tumeurs qui sont souvent silencieux dans les cellules cancéreuses. Les HDAOs sont des enzymes impliquées à plusieurs niveaux dans la signalisation estrogénique. En cas de tumeurs du sein, leur expression est dérégulée. Des essais réalisés avec des inhibiteurs des HDAOs donnent des résultats prometteurs dans le traitement de cancers du sein. Cinquante-quatre femmes avec des mammographies anormales et qui devaient subir une biopsie du sein ont été enrôlées dans un essai[1] randomisé, en double-aveugle et contrôlé contre placebo. Ces femmes étaient suspectées d’avoir un carcinome canalaire in situ (DCIS) qui est considéré comme un stade précoce de cancer du sein. Le problème est qu’il est souvent bénin mais qu’environ 20 % des cas peuvent se transformer en une forme agressive de cancer du sein. Les femmes ont reçu quotidiennement pendant 2 à 8 semaines un placebo ou un complément alimentaire contenant du sulphoraphane. La quantité de sulforaphane du complément alimentaire équivalait approximativement à la consommation d’une tasse de pousses de brocolis, une source particulièrement riche en sulforaphane. L’objectif initial des chercheurs étaient simplement de déterminer si le complément alimentaire de sulforaphane était bien toléré et s’il pouvait altérer certains mécanismes épigénétiques impliqués dans le cancer. Ils ont eu la surprise de constater une diminution des marqueurs de croissance cellulaire suggérant que le sulforaphane pourrait aider à ralentir la croissance des cellules cancéreuses. En fait, le complément alimentaire a ralenti la croissance des cellules bénignes et des cellules invasives des tissus obtenus par les biopsies. Il semble agir en inhibant l’action des HDAOs. Pour les chercheurs, il est possible que le sulforaphane et d’autres composants alimentaires, lorsqu’ils auront été mieux étudiés et compris puisse être ajoutés aux approches traditionnelles du traitement du cancer, pour prévenir le cancer, ralentir sa progression, le traiter ou prévenir sa récurrence. Mais d’autres études sont nécessaires pour évaluer les réponses en fonction des doses et travailler sur de plus vastes populations. [1] Atwell, L.L., Zhang, Z., Mori, M., Farris, P.E., Vetto, J.T., Naik, A.M., Oh, K.Y., Thuillier, P., Ho, E., and Jackilen Shannon (2015). Sulforaphane Bioavailability and Chemopreventive Activity in Women Scheduled for Breast Biopsy. Cancer Prevention Research, 8:1184 0 PartagesPartagezTweetezPartagez 9 décembre 2016